Et s'il était temps de repenser Hearthstone ? 1ère partie : Une perte d'identité

L'équilibre des 3 ressources existe-t-il encore vraiment ?
JHden | 08/01/2020 à 13h15 - 16

Hearthstone sera sorti de sa béta depuis 6 ans en mars de cette année, et je n'ai jamais stoppé le jeu depuis cette date. J'ai fait légende tous les mois, investi des dizaines d'heures par semaine et n'ai jamais regretté de le faire ou même douté du jeu. Cependant, depuis la dernière extension, je commence sérieusement à me poser des questions sur la direction du jeu et la capacité de Blizzard à continuer sur la direction engagée.

Les changements volontaires et fréquents du métagame qui ont été instaurés cette année rafraîchissaient le jeu et continuaient de lui donner de l'intérêt. Cependant, avec L'Envol des dragons, on se dirige vers un second équilibrage en 1 mois et personne ne me fera croire que cela était prévu lorsque l'extension est sortie au mois de décembre.

Le méta est encore en train d'évoluer au moment où j'écris cette article, un démoniste Galakrond contrôle est sorti récemment et montre d'excellentes choses dans le haut du ladder. Cela montre que les joueurs sont encore capables de trouver des solutions et d'innover pour faire avancer les choses, mais c'est aussi le 4e deck Galakrond sur les 5 classes possibles qui vient se placer en tant que dominant.

La carte est trop forte, c'est un fait, on ne peux plus le nier. Mais la carte est aussi, à mes yeux, le symbole qu'Hearthstone a besoin d'évoluer en profondeur et ne plus simplement se contenter de nouvelles cartes s'il veut continuer d'intéresser le grand public.

C'est quelque chose qui me trotte dans l'esprit depuis que le débat du power creep a démarré sur le jeu : Faut-il revoir les fondamentaux d'Hearthstone pour que le jeu reste au sommet ?


Le pouvoir héroïque paie l'erreur Baku et Genn

Le pouvoir héroïque a toujours été le petit plus d'Hearthstone par rapport aux autres jeux, une petite touche qui fait que l'on peut toujours jouer et utiliser son mana efficacement.

Puis sont arrivés les Chevaliers de la mort en 2017, qui ont mis les pouvoirs héroïques très en avant en en faisant de vraie armes de fin de partie, et sont d'ailleurs apparus les premiers problèmes de déséquilibrage à ce moment là.

Puis l'année suivant, Genn et Baku sont arrivés, et ont totalement fait exploser la valeur du pouvoir héroïque. Je n'avais personnellement pas de problème avec leurs mécaniques et j'ai bien aimé leur fonctionnement. Malheureusement depuis leur retrait prématuré du mode standard, Docteur Boum est resté la seule carte qui faisait encore utiliser le pouvoir héroïque, et ce dernier s'est fait nerf car trop puissant, son pouvoir héroïque produisant trop de valeur.

Tous les héros ou mécaniques basées sur le pouvoir héroïque ont donc été soit changées, soit directement retirée du mode compétitif du jeu. Et la raison à cela, c'est que le pouvoir héroïque est la seule chose réellement stable dans un deck, c'est la seule option que l'on sait disponible en permanence pendant le match, quelque soit la pioche que l'on fera.

Ainsi, lorsque le pouvoir héroïque est trop puissant, on a des decks trop puissants et surtout, trop stables. On se souviens par exemple du paladin impair qui était incapable de faire de mauvaise sortie puisque sa pire sortie était son pouvoir héroïque, et beaucoup de deck lui aurait envié cette sortie-là.

Ce que le pouvoir héroïque a particulièrement produit comme effet néfaste, c'est le fait qu'une fois qu'un des deux joueur prenait l'avantage, il était très difficile de revenir dans la partie. Ainsi, un des deux joueurs subissait le jeu de l'autre pendant plusieurs tours sans pouvoir réellement revenir dans la partie car il était impossible de faire de mauvais tours grâce au pouvoir héroïque. Et même si on déteste perdre contre un deck qui fait sa curve et nous écrase au tour 8 ou 9, il faut reconnaître que rester dans un match que l'on sait perdu pendant une dizaine de tours est encore pire comme sensation.

Avec les quêtes qui sont arrivées pendant cette année et qui ont elle aussi impacté le pouvoir héroïque, et on a eu l'impression de voir quelque chose de plus équilibré. Le fait de n'avoir qu'un changement du pouvoir héroïque, sans bonus immédiat (contrairement aux chevaliers de la mort) et qui ne commence pas dès le début de partie (contrairement à Baku et Genn) pour ne pas garantir une stabilité trop puissante.

Cet équilibre semblait vraiment bon, comment pouvaient en témoigner le chaman ou le druide quête, des decks puissants mais qui n'ont jamais pris le métagame en otage. En témoigne le fait que les quêtes ont disparu dès lors que des mécaniques plus explosives ont trouvé leur place dans le métagame, d'abord avec les cartes du mode libre, puis avec l'extension de L'Envol des dragons.

En y repensant, je trouve cela assez frustrant, il a fallu deux ans pour trouver l'équilibre nécessaire à la mécanique du pouvoir héroïque. Deux ans pendant lesquels presque tout a été tenté, et malgré beaucoup de ratés, Hearthstone a été à son meilleur sur cette période. Et lorsque l'on arrive enfin à un équilibre sur cette aspect là du jeu, l'extension suivante le balaye complètement.

Après avoir été au coeur des synergies dominantes pendant des années, le pouvoir héroïque a été rabaissé dans ses capacités depuis Avril après que Baku et Genn aient traumatisé les joueurs par leur puissance et leur stabilité. Et les quêtes du mois d'aout sont très intéressantes mais loin d'être assez puissantes pour rivaliser avec Galakrond. Qui lui, se fiche complètement de son pouvoir héroïque soyons honnête. Souvent, la partie se fini trop rapidement pour lui donner de l'importance. Il n'y a eventuellement que le guerrier qui va régulièrement utiliser le pouvoir pour pousser des dégâts. Le voleur, chaman et démoniste sont dans une logique où Galakrond est une carte qui est sensé clore la partie, pas la faire durer sur du long terme. Actuellement, seul le prêtre tente encore d'utiliser sa quête, et elle est loin d'être une carte clé du deck.

Si d'un point de vue développement, cela ne semble pas du tout poser problème, et le jeu n'ayant pas besoin de se centrer autour de cette mécanique et pouvant aller explorer d'autres horizons. J'ai l'impression que le pouvoir héroïque est un gage de stabilité pour le jeu, et tant qu'il est utilisé, cela montre deux choses :

  1. Hearthstone est encore un jeu unique, par cette mécanique qui continu d'être au coeur du gameplay et qui n'existe pas ailleurs. Si l'importance du pouvoir héroïque disparaît, alors la spécificité d'Hearthstone perd également beaucoup de symbolique vis-à-vis des autres jeux.
  2. Le jeu peut continuer de montrer un aspect stratégique car il faudra en permanence que les joueurs choisissent au minimum entre deux options à chaque tour. Si le pouvoir héroïque disparaît, alors on pourra vraiment dire que la phrase "jouer la carte verte" est devenue vraie.

Ma première inquiétude concernant les fondamentaux d'Hearthstone est donc liée au fait que le pouvoir héroïque est actuellement relativement inutile. Il a été remplacé par la conjuration de Galakrond, qui agit comme ligne directrice des decks désormais. Mais cela retire la notion de choix d'utilisation de nos ressources puisque les cartes intègrent ce pouvoir héroïque nouvelle version et que l'on utilise ainsi plus du tout notre pouvoir dans les stratégies, il n'est devenu qu'un remplisseur de mana que l'on utilise quand on a rien d'autre à faire.


L'équilibre des 3 ressources existe-t-il encore vraiment ?

Pour qu'une extension fonctionne dans l'esprit général, il faut que ses cartes soient utilisée par les joueurs. Il faut que les cartes produites pour la dite extension soient déterminantes pour le métagame à venir, qu'elles soient un véritable bol d'air. Sur le principe, c'est logique, mais en pratique, cela veut surtout dire produire des cartes assez puissantes pour faire oublier les précédentes (et si ça ne fonctionne pas, mettre un petit coup de nerf hammer sur celles qui gênent à cela comme par exemple en début septembre).

Cela fait que dans tous les jeux du monde, la puissance moyenne des cartes va augmenter jusqu'à atteindre un seuil critique, seuil auquel le jeu deviendra relativement ridicule et son équilibre de base, ce sur quoi on l'a construit au final, s'effondrera. Hearthstone vient d'arriver à ce seuil à mon sens. A force de sortir des choses de plus en plus puissantes, les 3 ressources d'Hearthstone (point de vie, mana, cartes) n'ont plus vraiment de sens honnêtement si on les compare à leur essence à la base.


Le mana

Le mana est sensé être le régulateur de ce qu'il peut se passer en un tour, celui qui donne une idée de la puissance potentielle des tours de chaque joueur. Même si son équilibre a toujours été fragile (Van cleef par exemple a toujours fait des sourires amusés au concept que 3 mana ne devrait pas suffire à faire une 14/14), le mana a toujours été un repère relativement fiable dans la majorité des métagames. Plus maintenant.

Le repère quant à la puissance adverse est un mélange du mana et de ce qui s'est passé dans le match auparavant. Plus le galakrond est augmenté, plus la puissance de 7 mana augmente avec lui. Si le voleur a eu son apothicaire, son mana n'a plus vraiment d'intérêt puisque ses créatures ont +3+3 et auront donc beaucoup plus de valeur.  Même constat une fois que Galakrond a atteint le niveau 2, le scion de ruine, la meute de dragon ou l'adoratrice dissimulée, tous produisent beaucoup plus de valeur ou de rythme que leur coût. Et on peut encore citer Carniflore, Reine-dragon Alexstraza ou la galaxie de poche de Luna.

Le joueur n'a aujourd'hui plus de repère quand à ce à quoi il peut s'attendre de son adversaire, nous sommes dans une guerre de tranchées dans laquelle chaque joueur envoie sa meilleure attaque et attend de voir à quoi va ressembler celle de son adversaire.


Les cartes

Principalement celles en main, elles sont normalement un reflet de ce qui est possible pour l'adversaire, ses différentes options et combinaisons. Plus il y a de cartes, plus on peut s'attendre à des surprises, à des synergies et des retournements de situation. Comme pour le mana, plus vraiment.

Galakrond, Reine-Dragon Alexstraza ou même Luna l'astronome (Cire-pilleur, Adoratrice dissimulée...) sont autant de cartes qui vont totalement changer la dynamique d'une main sans pour autant impacter le rythme de l'adversaire, voir même l'aider à mettre encore plus de rythme. Une ou six cartes ne veut plus dire grand chose dans le Hearthstone actuel, le jeu étant beaucoup plus basé sur savoir l'adversaire en a une précise dans sa main qui est celle que l'on cherche à éviter.

Je ne parlerais même pas des cartes dans le deck, plus personne ne va à la fatigue désormais. Enfin si, Paladin Shirvallah, qui vous tue lorsqu'il y arrive. 

Les points de vie

Les points de vie ont toujours représenté la liberté d'un joueur. Plus il en a et plus il pourra prendre des risques et donner à son adversaire l'opportunité d'aller l'attaquer directement. Les points de vie ne veulent plus dire grand chose dans le monde Galakrond, ce dernier pouvant relativement facilement vous infliger les 30 en deux tours (celui auquel on le pose et le suivant), détruisant ainsi tout principe de liberté, car on ne se focalise plus sur nos points de vie, mais sur l'avancée du Galakrond adverse. Ou sur le fait qu'au tour 9, Alexstraza pourrait très bien poser une table qui nous menacera aussi.

Auparavant, ces renversements de rythme se faisaient uniquement en toute fin de partie, contre des decks que l'on savait être basée sur une stratégie de changement de rythme. Désormais, ce sont des decks de rythme, qui vont donc abîmer vos points de vie au cours de la partie. Et qui, même si vous avez tenu et donc démoli sa stratégie principale, pourra toujours relancer la pression d'un seul coup et vous remettre dans une situation forcée.

Hearthstone a énormément évolué au fil des années, le jeu dans lequel on cherchait à abuser d'une des trois ressources en délaissant une autre est terminé. Nous sommes désormais dans un jeu où les decks ont toutes les options, et c'est au joueur de savoir naviguer ces options correctement.

Ce postulat ne me dérangerait pas du tout si au final, le choix ne se portait pas à chaque fois sur l'option du rythme et du développement, parce qu'elle est bien supérieur aux autres finalement. Parce qu'épuiser son adversaire n'a plus de sens, parce que chercher à développer un rythme sur 5 ou 6 tour également si on peut avoir un tour si puissant qui gagnera de lui-même.

Le jeu n'est pas devenu simpliste, loin de là. J'apprends encore tous les jours sur certains match ups, sur la façon de construire mes decks... Mon problème vient du fait que le filtre de réflexion que j'applique à ces analyses est toujours le même : Comment puis-je imposer le maximum de rythme sur la partie ?

Hearthstone est un jeu vendu comme simple et dynamique, c'est normal que le rythme soit au coeur de sa stratégie. Mais si c'est la seule chose qui compte, c'est que le jeu a atteint ses limites.

Cette première partie était destinée à poser les bases de pourquoi je pense qu'Hearthstone doit être repensé, et qu'il faut soit toucher à son coeur : Les ressources et le pouvoir héroïque. Soit revenir à un équilibre dans lequel ces derniers ont une importance réelle lors des parties.

La semaine prochaine, nous pourrons parler de la seconde partie de cette réflexion, dans laquelle j'aborderai les changements que j'aimerais voir, et comment je pense qu'Hearthstone peut s'adapter à cette situation. On va jouer au petit développeur en somme.

N'hésitez surtout pas à partager vos idées dans les commentaires, j'ai volontairement coupé cette réflexion en deux pour pouvoir prendre le temps d'y penser et d'échanger encore plus avec la communauté à ce sujet.

Tags : Hearthstone Metagame
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