Dossier : Le doute et le stress dans les jeux de cartes en ligne

Un sujet sérieux et diablement intéressant
JHden | 13/09/2021 à 16h19 - 6

Cette semaine, j’aimerais discuter d’autre chose que le métagame pour une fois, et à la place discuter de ceux qui doivent s’y adapter, les joueurs. Suites aux modifications régulières qui ont lieu depuis la sortie de Hurlevent, les joueurs ont l’obligation de s’adapter fréquemment et de changer soit leur deck, soit leur vision générale de l’environnement.

Que vous soyez un joueur occasionnel ou quelqu’un qui se prépare pour les compétitions, être plongé dans un environnement différent amène forcément une source de stress potentielle, qui sera plus ou moins forte selon les raisons de ce stress. On compte 3 raisons principales : l’importance, la capacité et le jugement.

Aujourd’hui, je vous propose d’explorer les raisons de pourquoi les joueurs ressentent ce stress, et pourquoi il peut être bien plus prononcé dans un métagame qui est soumis à des changements réguliers que dans le cas d’une situation qui s’éternise.

Cela pourra peut-être aider certains d’entre vous à mieux se sentir dans un métagame en changement permanent, ou simplement comprendre les challenges auxquels doivent faire face les joueurs qui préparent des compétitions avec une information partielle semaine après semaine.


1. L’importance

Le premier facteur de stress est purement personnel, il s’agit de l’importance que l’on attache à l’activité et à sa réussite. Ainsi, cette source de stress peut être énorme ou dérisoire selon le rapport qu'entretient la personne avec l’activité. 

Une nuance cependant sur la notion de personnel, qui ne s’attache qu’à l’importance perçue par le joueur. Dans certains cas, l’importance est inspirée ou forcée par autre chose que le simple intérêt de la personne, par exemple une pression sociale ou un besoin d'appartenance pourrait faire croire à une importance capitale alors que l’activité ne nous intéresse que vaguement. 

Dans le cas d’un besoin fort de réussite, voire un environnement dans lequel on se sent à l’aise être modifié et devoir donc refaire le chemin déjà accompli peut faire l’effet d’un coup de massue. Pour un joueur en ligue des grands maîtres par exemple, se construire un confort au fil des semaines et devoir retrouver cette sensation en quelques jours est très stressant car ce confort est déterminant pour marquer des points la semaine suivante. 

A l’inverse, un joueur qui ne chercherait qu’à créer des decks et n'accorderait aucune importance à la performance, ne ressentirait aucun stress vis-à-vis de ces changements car ils n’impactent pas ce qui est important pour lui. Au contraire, ces changements participent à ce qui est important pour ce joueur. 

Ce critère peut être sujet à des variations assez brutales selon la situation personnelle du joueur. Dans certains cas, des sujets totalement hors du jeu peuvent en renforcer son importance, dans le cas d’un transfert ou d’un besoin de s’échapper d’autre chose par exemple. Ainsi, quelqu’un avec des problèmes dans sa vie personnelle pourrait s’investir énormément dans le jeu pour se changer les idées, et auront donc une perception de l’importance du jeu totalement différente de ses habitudes. 

Inversement, un joueur qui aurait trouvé un nouveau centre d’intérêt pourrait soudainement se désintéresser du jeu, ou du moins percevoir ce dernier comme moins important. Son stress lors de ses sessions de jeu serait alors bien moindre qu’auparavant, cela pouvant libérer certaines personnes ou amener à la réalisation que l’importance accordée jusque là était plus une perception qu’une réalité. 

Ce besoin de réussite peut être un moteur pour certains comme en paralyser d’autres, chacun ressentant le stress de façon différente. Dans un métagame qui change en permanence, cela amènera des joueurs à jouer encore plus, le besoin de réussite les poussant à vouloir rapidement retrouver un niveau de jeu proche de l’environnement précédent. Pour d’autres, ce sera l’inverse, et leur temps de jeu se réduira le temps que l’information soit à nouveau disponible, l’importance qu’ils accordent à Hearthstone n’étant suffisante pour justifier l’effort de s’adapter continuellement.


2. La capacité

Lorsque l’on accomplit une tâche, n’importe laquelle, nous comparons inconsciemment ce que cette dernière nous demande comme compétences et ce que nous sommes capables de faire. En fonction de ce jugement, nous aurons plus ou moins confiance dans nos capacités à réaliser l’action en question ou pas, et l’aborderons de façon sereine ou à l’inverse, rempli de doutes.

Cette évaluation est intimement liée à la confiance en soi, certaines personnes pouvant évaluer leurs capacités bien en-dessous de ce qu’elles sont réellement, et d’autres à l’inverse, pouvant se surestimer et se lancer dans une entreprise qui les dépasse.

Dans le cadre d’un environnement qui bouge, ces deux critères de capacité sont très flous à évaluer, générant donc presque toujours du doute. D’un côté, nous ne sommes pas sûrs de ce qui nous attend après les changements, et de l’autre, nous ne savons pas non plus quelles sont nos capacités dans ce nouveau métagame.

Dans le cas d’une importance assez faible, les joueurs pourront prendre le temps d’évaluer les retombées de ces changements et de se tester dans ce nouvel environnement. Ils réduiront ainsi le doute vis-à-vis de leurs capacités, en approchant leur comparaison au plus proche possible de la réalité.

Dans le cas d’une importance forte cependant, ou si l’on manque de temps (ce qui renforce l’importance du temps passé puisqu’il devient limité), il y a un objectif de performance qui s’installe dès les changements, pressant le joueur et amenant à une évaluation de capacités incomplète.

C’est cette évaluation qui sera la source du doute par la suite, car chaque situation non maîtrisée ou résultat inattendu renverra le joueur vers sa comparaison inconsciente, éloignant ses capacités perçues des besoins de la réalité.

Le joueur étant pressé par l’importance devra alors faire des choix basés sur une information partielle, puisqu’il est conscient qu’il ne dispose pas de tous les éléments nécessaires. Il sera stressé dans l’attente du résultat de ces choix, conscient qu’il n’en a pas maitrisé tous les aspects et pouvant donc être surpris des conséquences.

Prenons l’exemple d’un tournoi le week-end avec des nerfs en début de semaine. Bien souvent, il est impossible de faire tous les tests nécessaires à la mesure de la retombée de ces nerfs (puissance des decks qui ont été nerfs, nouvelles interactions entre les cartes, nouvelle puissance relative d’anciens decks injouables…) et il y a forcément une zone d’ombre dans le choix de notre line up. Les joueurs vont souvent avoir deux options : le confort ou le risque.

Le confort consiste à rester dans ce que l’on sait faire, au plus proche de nos capacités perçues, en espérant que les nouvelles demandes de la réalité n’aient pas trop changé elles non plus. On conserve ainsi les habitudes acquises dans l’environnement précédent en espérant que ces dernières puissent être utiles dans le nouveau. Cela permet de réduire le stress en conservant des points de repères du passé. Cependant, si nous réalisons que la réalité a en effet changé et que nos capacités n’y sont plus adaptées, le joueur peut être soumis à énormément de stress soudain, prenant conscience que ses choix ne sont absolument pas adéquats et voyant donc son échec arriver.

Le risque, quant à lui, va viser à se rapprocher au maximum de la réalité, sans pour autant savoir si l’on est capable de réaliser l’action. On va ainsi jouer de nouvelles choses, changer nos habitudes pour s’adapter à cet environnement et ne pas se concentrer sur nos capacités, mais sur celles demandées par ce nouveau métagame.

C’est une stratégie qui génère souvent plus de stress au départ, le joueur étant conscient qu’il ne maîtrise pas tous les aspects de son idée. Cependant, le pic de stress que pourrait ressentir le joueur de confort est bien moindre dans ce cas-ci, le joueur de risque ayant déjà conscience qu’il n’est pas en contrôle de toute la situation.

Combiné à la confiance en soi, l’évaluation de nos capacités joue un rôle déterminant dans le ressenti du stress. Et l'entraînement, répétition de la situation stressante par avance, est encore l’un des meilleurs moyens de ne pas se sentir submergé lors de la performance.

Dans un contexte de ladder, il est difficile de différencier l'entraînement de la performance, chaque partie ayant la même valeur. Une idée simple est de se placer à un palier de rang avant les changements afin de pouvoir jouer sans se soucier des variations de rang, retirant ainsi de l’importance et permettant de se concentrer uniquement sur l’évaluation de nos capacités dans un premier temps.


3. Le jugement

A l’inverse de l’importance, le jugement est ce que nous percevons de l’extérieur et qui va influer sur notre ressenti. Souvent, le jugement vient changer notre perception de l’importance ou des capacités, ce qui peut entraîner énormément de doutes par la suite. De façon générale, le jugement est le critère le plus malléable parmi les 3 évoqués dans cet article. 

Par exemple, à force de voir le nombre de joueurs au rang légende s'accroître saison après saison et nos amis réussir à l’atteindre, on peut avoir une importance faussée, voulant nous aussi y arriver pour se prouver que l’on en est capable. Notre évaluation des capacités également est erronée, en se disant que si nos amis y parviennent, c’est que ce n’est pas quelque chose de si difficile. 

Ainsi, on va se lancer dans cette action avec une importance perçue plus forte et une conception de la demande de capacités plus basse que la réalité. Cela va nous amener à considérer chaque défaite comme un scandale, cette dernière nous ramenant à notre importance démesurée et au fait que cela devrait être facile, comme notre évaluation de capacité basée sur nos amis nous l’indique. 

Avec ce jugement qui entre dans l’équation, on va ainsi sortir d’une évaluation objective et donc de quelque chose proche de la réalité pour fabriquer une réalité qui permet de croire à l’objectif que nous nous sommes fixés. Chaque rappel au fait que la réalité que nous avons fabriquée, basée sur ce jugement, peut ne pas être la bonne sera donc une source de doute, de frustration et de stress. 

Dans le cadre de changements réguliers sur le jeu, un nouvel environnement est une occasion de se créer un nouveau jugement, une nouvelle réalité. Et donc potentiellement une nouvelle source de stress si cette réalité n’est pas objective. A chaque nouvelle modification, nous avons un rappel inconscient de l’importance que l’on porte au jeu, et on fait une évaluation de nos capacités face à ces changements, remettant en question nos croyances passées. 

Au fur et à mesure de ces remises en questions forcées, il est facile de tomber dans le piège de vouloir prendre des raccourcis, lasser de devoir s’adapter en permanence dans nos évaluations, et donc dans notre jugement.

Avec le monde d’internet dans lequel nous évoluons, ce jugement est encore plus difficile à construire, étant constamment bombardé d’informations, la plupart étant le jugement d’autres personnes. Un exemple simple est la difficulté de jouer un deck, qui demande des compétences objectives afin d’être piloté correctement. Cependant, si ces compétences sont objectives, le rapport de chacun vis-à-vis de ces dernières est subjectif et varie selon la préférence et l’expérience. C’est la raison pour laquelle il existe des joueurs meilleurs sur les decks agressifs que défensifs, ou d’autres qui délaissent une classe au profit d’une autre pourtant plus compétitive. Et au final, certains joueurs trouvent un deck moyen alors que d’autres le qualifie de meilleur deck du moment.

Lorsque l’on évalue un deck, on devrait ainsi faire appel à nos compétences afin de savoir si nous sommes en capacité de jouer le deck. Ensuite, voir l’importance que représente le fait de jouer ce dernier pour savoir si nous devrions investir du temps dans son apprentissage. Faire appel au seul jugement de la puissance du deck laisse de côté de nombreux éléments qui lorsque la réalité vient se confronter à l’évaluation fait apparaître de nombreuses raisons de douter, générant ainsi du stress et de la frustration.


4. Conclusion

Il existe bien d’autres façons de parler du stress et ce dernier peut se manifester de bien des façons selon l’environnement dans lequel on se trouve et la personne qui y fait face. Cet article n’est qu’une ébauche des différentes approches que l’on pourrait avoir vis-à-vis du stress et du doute, qui en est la source principale. 

Dans un environnement qui bouge constamment, les raisons de douter sont démultipliées car la situation est plus instable, favorisant donc logiquement l’apparition du stress de par la remise en question que provoquent ces changements imposés. Le premier facteur à considérer est presque toujours l’importance, qui est le critère qui va déterminer notre sensibilité à ressentir du stress ou non. Par la suite, nos capacités et notre jugement vont venir impacter le stress ressenti et à quel point il nous atteint.

De nos jours, les sollicitations sont extrêmes lorsque l’on est au contact d’internet quotidiennement, et il est difficile de garder une capacité d’évaluation et de jugement objectives, nous rendant inconsciemment plus sujets au doute et au stress.

En ayant conscience de ce qui peut générer du stress, les joueurs sont d'ores et déjà bien plus à même d’y faire face et de réduire inconsciemment leurs réactions à ce dernier. Un trait de compétence qui avec la direction que semble prendre les jeux de cartes en augmentant le rythme chaque année, pourrait bien devenir déterminant au succès des joueurs de demain.

Tags : Hearthstone Metagame
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